A Paris se tient une expo dédiée à Serge Gainsbourg.
Laissez-moi raconter sur la toile une belle et émouvante rencontre.
J'avais alors vingt ans, et afin d'arrondir mes fins de mois d'étudiante, je travaillais le soir dans un hôtel bordelais, du côté du quartier Mérriadeck pour ceux qui connaissent.
La clientèle du Pullmann, c'est le nom de l'hôtel, était composée essentiellement d'hommes d'affaires, de sportifs venant disputer quelques rencontres et d'artistes se produisant à la patinoire située juste à côté.
Un soir de dur labeur, alors que je venais de servir, dans l'indifférence générale, l'équipe de football des girondins de Bordeaux, je fus appelée en urgence au bar. Le serveur venait de se couper en essuyant les derniers verres. Et j'étais bonne pour le remplacer.
Dans un remake de "Moi j'essuie les verres au fond du café, et dans ce décor banal à crever....", il est entré, l'homme à la tête de chou, moitié légume, moitié mec.
J'étais là, pétrifiée, époustouflée,je n'en croyais pas mes yeux. The référence devant moi, vous imaginez quand on a vingt ans , étudiante, qu'on passe son temps à refaire le monde et qu'en face de vous se présente le père de la Javanaise.
Aux milieu des volutes de fumée (on fumait encore dans les bars en ce temps là...)il lança.
" Un bloody Mary, petite chérie!"
" Heu, bonsoir Monsieur, c'est que le bar est normalement fermé à cette heure-ci."
" allez vite fait, un bloody Mary ."
" Heu, c'est que je ne sais pas ce qu'il y a dans un bloody Mary."
"Tu connais donc pas grand chose à la vie ma chérie. Vodka, jus de tomates et des épices. Tu secoues et surtout t'oublies pas de boire..."
" Mais je ne peux pas vous servir, Monsieur, le bar est fermé"
Il s'est mis un peu à gueuler, ronchonner, puis il s'est assis au comptoir comme pour me tenir compagnie.
Il s'est alors mis à discuter avec moi.du concert du lendemain à la patinoire, qui j'aimais bien écouter. C'était magique, Gainsbourg et moi, pour moi toute seule.
Il allait se lever du tabouret et je lui ai dit:
"Au fait, je suis allée voir l' Effrontée au cinéma. Elle est super Charlotte dans le film..."
Il tira sur sa clope, la énième, une grande bouffée. Il m'a dit au bout d'un long silence, la voix ravagée, le regard tout embué:
"Elle est belle ma petite dedans et dehors. Je suis content, je l'aime tant."
Il m'a remerciée de lui avoir tenu compagnie un moment.
il a posé un billet, un gros, sur le comptoir et il est parti.
Je suis restée un moment encore, je n'avais pourtant plus aucun verre à essuyer.
J'ai ce petit moment d'éternité gravé dans ma mémoire.
" Nous nous sommes dit vous,
nous nous sommes dit tu,
nous nous sommes dit tout
et nous nous sommes tus."
Je comprends combien cela a dû être fort. Pourtant je ne suis pas fan de sa musique. Mais il y a des gens, qui en dehors de ce qu'ils produisent et que tu aimes ou pas, sont très charismatiques. Tu peux rester longtemps juste à les regarder être.
Il aurait 80 et quelques balais cette année.
C'est terrible de voir le gens partir tôt, mais au final....
Rédigé par : Miss Rainette | 01 novembre 2008 à 19:09
Je comprend la magie d'une telle rencontre. J'ai parfois eu du mal avec le côté provoc de Gainsbarre, mais j'ai une admiration sans bornes pour le poète et le musicien. Et je comprend bien que ce tête à tête te soit encore doux et chaleureux dans tes souvenirs. J'ai vécu également des moments forts, des concerts magiques, des présences, mais jamais un tel instant de grâce.
Je ne suis pas encore allé voir cette exposition, j'ai prévu d'y aller. Si ça te tente...
Rédigé par : Philémon | 01 novembre 2008 à 20:01
C'est un merveilleux souvenir, une rencontre inattendue merveilleusement bien racontée au point qu'il est facile pour tes lecteurs de visualiser la scène.
Rédigé par : Marcus | 01 novembre 2008 à 20:48
La classe !!!
T'as bavardé avec le grand Gainsbourg. On aime ou on ,'aime pas ce personnage unique. N'empêche que c'était un génie de la musique.
Et tu as bavardé avec lui ?!?
Respect !
Rédigé par : Lou | 01 novembre 2008 à 20:54
C'était un billet de 500 balles à moitié cramé ?
Rédigé par : macaron | 03 novembre 2008 à 10:15
ça doit faire quelque chose, une chance extraordinaire.......
Rédigé par : Silv1 | 03 novembre 2008 à 21:24
@missrainette: oui il s'agit de charisme,et une gentillesse, une douceur incroyables!
@philémon: je crois que l'expo se tient jusqu'au printemps, il est possible que j'aille à Paris pour mon boulot, je te fais signe si tu veux
@marcus: tu as raison assez inoubliable, inattendue, gravée.
@lou: unique effectivement ce personnage tout en contradiction mais si attachant et bienveillant
@macaron: depuis que t'es pété de thunes tu dis n'importe quoi! Bon je t'aime bien quand même.
@Silv1: oui j'ai vraiment pris cette rencontre comme une vraie chance, tu as raison.
Rédigé par : label isa | 04 novembre 2008 à 17:56